CouvPromnons

L'origine, c’est l’île de Djerba. Quelques amis étaient là autour de Jean Debruynne et de Raymond Fau. À la veillée, Jean lisait un poème inspiré par sa méditation des Psaumes. Ce soir-là, c’était le 130 (129 dans la version hébraïque). Vous savez, celui qui dit : "Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur, écoute mon appel... Si tu retiens les fautes, qui donc subsistera ?... Je suis sûr de Dieu, plus que le veilleur n’est sûr de l’aurore". Et comme les poètes sont de grands enfants, Jean prenait le Psaume au pied de la lettre. Il le voyait, l’homme bafoué, jeté par les siens au plus profond d’un puits, emmuré, criant de sa basse-fosse vers la lucarne du ciel. Et comme les poètes n’ont pas peur des mots, il osait dire : "Je ne suis qu’un salaud", ce qui est bien sûr moins poli que de s’avouer "pécheur". Et comme les poètes font du sacré avec du profane, il écrivait aux marges de sa Bible avec des mots de tous les jours. Pour que ces poèmes deviennent chanson, il leur manquait une musique. Raymond la fredonnait. Un Folk-Psaume venait de naître.

Je crois bien que c’est moi qui ai proposé cette appellation bizarroïde. Avec ma contrebasse et les Halleluyah Folklovers, nous revisitions le folklore international, un peu n’importe où: sur le remblai des plages, dans les MJC, les salles de restaurants, et même dans les discothèques, avec un bonheur inégal... Et puis, Folk, ça veut dire Peuple, et cette idée de rendre populaire ce qui est réservé à quelques-uns m’a toujours plu. Va pour les Folk-Psaumes.

Raymond Fau est l’un des personnages les plus libres que je connaisse. D’autres auraient conservé jalousement le trésor de ces premières compositions. Pas lui. Il m’a proposé non seulement d’en mettre moi-même certains en musique, mais encore de les interpréter à ma guise. Parfois, simplement, quand je bousculais un peu trop sa musique, avec l’outrecuidance de noter "Arrangement Gaëtan de Courrèges", il me disait avec malice : "Es-tu sûr que 'Dérangement Gaëtan de Courrèges' n’aurait pas mieux convenu?"

À quelques jours d’enregistrer, Jean Debruynne et moi, nous nous sommes rencontrés dans le bureau de Mr Robreau, fondateur du Studio SM. J’ai dit à Jean des choses intimes, et ce qui me faisait chanter, et puis cette phrase au verso de mon image d’ordination: "Le Seigneur est ma force et mon chant", et puis cette amitié qui me liait au Psaume 27 (26), celui qui dit "Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte?"... Jean écoutait en silence. Je me suis dit que ça n’était pas gagné. Trois jours plus tard, je recevais pourtant cette extraordinaire profession de foi qui est devenue ma carte de visite: " Alors je chante".

Bien sûr, les esprits ouverts ont compris qu’il ne s’agissait pas ici d’écrire une nouvelle traduction des Psaumes, mais d’en laisser résonner quelques versets dans la langue d’aujourd’hui. Certains se sont offusqués de les voir réduits à des pré-textes... C’était le risque, et nous ne regrettons pas de l’avoir pris: ces Folk-Psaumes se sont évadés quelques instants des missels et des bréviaires pour courir, guillerets, dans les rues.

Début 1972, nous avons enregistré au Studio SM les quatre premiers titres sur un petit 45 tours. Les moyens d’enregistrement étaient rudimentaires. Pas de multipiste, à l’époque. On faisait dans le spontané. Je vois encore Didier Desmas taillant une kéna approximative dans un tuyau de plastique récupéré sur un chantier, Bernard Haillant jouant la basse sur les cordes graves de sa guitare et Jo Akepsimas la contrebasse sur l’orgue du studio. Je revois Jean Humenry, Michel Bellebouche et Didier tricotant du picking sur leurs guitares. Et les belles voix de Mannick et de Madée. On passait d’un instrument à l’autre, des guitares aux choeurs. L’enthousiasme palliait à la pauvreté des moyens... Et le disque a trouvé son public. Il a même eu deux petits frères... Dix ans plus tard, un autre album est né, chez Auvidis, cette fois, avec la complicité de Jean-Paul Barué et de Jacques Fischer accompagné de son groupe, Emmaüs.

Aujourd’hui, bien sûr, ma voix a pris du grave, et ma guitare des coups. Les techniques d’enregistrement sont parfaites, et les musiciens qui m’accompagnent parmi les meilleurs. Habillés de neuf, ces Folk-Psaumes me paraissent encore plus jeunes. Ils ont gagné en force et en tendresse. C’est un vrai cadeau que Comme ci-Comme ça vient de m’offrir. Et j’ai bonheur à vous le partager.

Chansons
Comme ci - Comme ça

14 titres interprétés par
Gaëtan de Courrèges
Paroles:
Jean Debruynne,
Musiques:
Courrèges, Fau, Barué, Fischer

Alors je chante
Comme des yeux d'enfant

Un vieux piano de Louisiane

Et moi quand je prie
Le ciel est ton chapiteau

Moi j'ai le coeur plein...

Heureux celui qui peut parler
Mon dernier espoir

J'appelle tout au fond
T'avais raison dans tes prières
On ne triche pas
Merci!

Quand l'hiver est venu

Tout le monde tapez des mains

"Mes 70èmes" Chansons "En paraboles" "Folk-Psaumes" "G. C. chante

Mode d'emploi  .